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Pouvoir d'achat !

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L’inflation annuelle officielle s’est élevée à 3,4% à la fin du mois de septembre. Ce taux est certes assez faible en comparaison européenne. En Grande-Bretagne, l’inflation atteint 10% et même 17% en Pologne. Cette comparaison est souvent évoquée par le Conseil fédéral pour justifier son inaction. Mais rien ne peut occulter la perte effective du pouvoir d’achat des ménages suisses. Durant l’année écoulée, cette érosion a été aggravée par les charges supplémentaires immédiates auxquelles les ménages ont dû faire face:
majorations de loyer, hausse des frais de chauffage et d’eau chaude, brutal renchérissement du prix de l’électricité et forte augmentation des primes d’assurance-maladie. Sans compter l’essence pour celles et ceux qui ne peuvent renoncer à l’usage de leur voiture pour se rendre sur leur lieu de travail.


La Suisse, l’un des pays les plus riches de la planète, comptait en 2019 722 000 personnes vivant sous le seuil de pauvreté. C’est 8% de la population ou une personne sur douze. Par ailleurs, de nombreux ménages vivent juste au-dessus de cette limite. Selon une étude de Caritas Suisse, une augmentation du seuil de pauvreté de 500 francs par mois aboutirait au doublement de la population vivant dans le dénuement. Ainsi, toute augmentation mensuelle de la charge financière des ménages génère un déclassement d’une partie des classes moyennes modestes. Cette dégradation économique touche particulièrement les familles et les rentiers et rentières AVS. Elle est favorisée par la récente fonte des économies de nombreux ménages. En effet, celles et ceux qui, au cours des deux dernières années, ont vécu sur les allocations pour réduction de l’horaire de travail en raison de la pandémie ont vu leur revenu mensuel amputé de 20%. Cela correspond à la perte d’un salaire entier au bout de cinq mois, alors que les charges mensuelles n’ont pas diminué.

L’économiste et conseiller national Samuel Bendahan a récemment montré que le coût de la vie a augmenté bien plus fortement pour les bas revenus que les hauts salaires. Entre 2000 et début 2022, le coût de la vie a augmenté de 28% pour les ménages disposant d’un revenu de 4000 francs mensuels. La hausse a été de 19% pour un revenu de 6000 francs. Alors que l’augmentation du coût de la vie n’a progressé que de 7% pour les ménages dotés d’un revenu de 30 000 francs. La perte du pouvoir d’achat a donc été quatre fois plus importante pour les ménages les plus modestes. Surtout, elle a été nettement supérieure à ce que laissent apparaître les chiffres officiels.. L’inflation pour les classes populaires et modestes est largement supérieure à ce que laissent apparaître les chiffres officiels. Dans ce contexte, l’indexation des salaires est un dû patronal incontournable, d’autant plus que les producteurs de services et de biens répercutent l’inflation sur les prix. Mais c’est insuffisant.


L’intervention des pouvoirs publics est également nécessaire, vu l’augmentation immédiate des postes du budget des ménages évoqués plus haut. L’ASLOCA Suisse avait rapidement compris la situation à laquelle allaient être confrontés les locataires. Elle a formulé l’exigence d’une allocation énergétique pour couvrir les frais supplémentaires conjoncturels de chauffage et d’eau chaude. Les forces de gauche au Parlement ont déposé des propositions alternatives. Parmi elles, la pleine indexation des rentes AVS/AI à l’inflation et l’adaptation des prestations complémentaires AVS/AI pour couvrir les hausses extraordinaires des charges de chauffage. Mais aussi une réduction supplémentaire des
primes d’assurance-maladie, un chèque vie chère et encore d’autres moyens pour amortir l’augmentation du prix de l’électricité.


A ce stade, le Conseil fédéral a refusé toutes les propositions parlementaires qu’il a examinées. Il montre sa déconnexion des préoccupations de la population. Le gouvernement fait preuve d’une insensibilité intolérable à l’égard de la souffrance sociale et de la peur croissante du déclassement social au sein de la classe moyenne. En septembre, lors de la dernière session parlementaire, la majorité bourgeoise s’est alignée sur les positions du Conseil fédéral, rejetant toutes les propositions sociales. Seule une proposition a trouvé une majorité grâce à l’appui du Parti socialiste, des Vert·e·s et du Centre: la pleine indexation des rentes AVS/AI. Malgré cela, le Conseil fédéral n’a adapté les rentes que de 2,5%. L’ASLOCA continuera de se battre pour défendre le pouvoir d’achat des locataires et pour que le chèque énergétique soit mis en oeuvre.

 

Carlo Sommaruga
président de l'ASLOCA Suisse

14 novembre 2022
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