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Comme à Berne, le droit cantonal se trouve sous le feu d’une offensive visant son démantèlement.

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Lorsque le taux hypothécaire baisse, les loyers augmentent; lorsque ce même taux prend l’ascenseur, les loyers en font autant. On en déduit que les loyers ne sont pas fondés sur les coûts, mais qu’une autre logique est à l’oeuvre. C’est celle du marché. Autrement dit, une réglementation insuffisante ou inefficace conduit à une envolée des prix. La réponse du Parlement fédéral et du Grand Conseil du canton de Vaud ? Déréguler encore davantage. Les mêmes causes produisant les mêmes effets, les locataires vaudois doivent se préparer à fournir des efforts de plus en plus substantiels pour boucler leurs fins de mois. On pourrait s’étonner du fait que, dans un pays de locataires (soit 62% de la population), la majorité des élu·e·s s’échine à créer les conditions propres à permettre une hausse permanente du prix d’un bien de première nécessité.

Le taux d’effort des Vaudoises et des Vaudois ne cesse de progresser, puisque bientôt un ménage sur trois se trouvera dans l’obligation de consacrer 40% de son revenu pour pouvoir se loger. Craignant une contestation du loyer après travaux (qui n’aurait pour effet que d’appliquer le droit du bail en vigueur), les grands propriétaires rechignent à isoler leurs bâtiments, si bien que les locataires sont également la proie du marché de l’énergie, lui aussi largement libéralisé. Au niveau fédéral, les initiatives parlementaires visent à affaiblir les rares dispositions protégeant les locataires. En s’attaquant aux intérêts de la majorité de la population, le Parlement fait preuve d’un cynisme déroutant. Mais ne nous y trompons pas,
les parlementaires soucieux de soumettre le droit du bail à une pure logique de rendement ne se tirent pas une balle dans le pied. Ils défendent les intérêts des investisseurs immobiliers,
qui peuvent s’appuyer sur des lobbyistes dont il faut reconnaître l’efficacité.

Une loi comme garde-fou
Sur le plan cantonal, la loi sur la préservation et la promotion du parc locatif, arrachée de haute lutte et plébiscitée par la population, permet en principe d’éviter que certains logements
soient retirés du marché locatif ou encore de limiter la répercussion du coût des travaux de rénovation sur les loyers. L’application trop frileuse de cette loi en minimise les effets,
mais cela semble être déjà trop contraignant pour les milieux immobiliers, qui mènent la fronde au Grand Conseil pour la démanteler. Déréguler un marché, ce n’est pas le remettre
à une main invisible ou lui rendre sa liberté, mais c’est avant tout le soumettre à la volonté d’une minorité de personnes et ainsi empêcher toute prise de décision collective. Il faut voir la
dérégulation comme une forme de confiscation du pouvoir par une minorité de la population au détriment des intérêts de la majorité.

Enfumage politique
Politiquement, une telle position est difficile à tenir, et doit par conséquent être accompagnée d’un discours soutenant l’idée que la dérégulation se fait dans l’intérêt du plus grand
nombre. Ce narratif s’est notamment fixé sur les fonds de pension du 2e pilier, affirmant que les rendements abusifs procurés par les loyers visent avant tout à assurer une vie digne aux personnes âgées. Or les données publiées par les caisses de pension montrent que les taux de couverture sont excellents. Et quand bien même le 2e pilier connaîtrait des turbulences, c’est la loi sur la prévoyance professionnelle qu’il conviendrait de modifier, et non le droit du bail. Pour y voir clair, il suffit de faire preuve d’un peu de logique: si des personnes prêtes à plumer les locataires affirment se préoccuper du sort des retraité·e·s, le doute est permis.

Fabrice Berney
Secrétaire général
ASLOCA Vaud

15 mars 2023
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