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Amsterdam, Paris, Berlin, Londres ou San Francisco. A l’échelle mondiale les grandes villes sont devenues la proie des investisseurs à la recherche de hauts rendements. La Suisse, avec en première ligne Zurich, Bâle ou Genève, n’échappe pas à cette ruée.

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Les loyers explosent. Les populations souffrent. Il suffit d’introduire dans un moteur de recherche le nom d’une ville et le mot «loyer» pour en prendre la mesure. Explosion des prix, défaut massif de paiement des loyers, menaces d’expulsion, sans-abrisme. C’est une litanie. La mutation rapide du type de propriétaires de l’immobilier résidentiel locatif est la raison principale de ce dérèglement. Un père de famille possédant un petit immeuble de quelques appartements, dont l’un est affecté à son logement et à celui de sa famille, n’agira pas à l’égard de ses voisins locataires de la même manière qu’un fonds d’investissement immobilier. Coté en bourse, l’intérêt exclusif de ce dernier est de maximiser les rendements. Or, connaître qui détient le parc des logements locatifs reste un défi en Suisse, compte tenu de l’existence de 26 registres fonciers cantonaux et d’un accès restreint aux données. Seuls les chiffres globaux publiés en 2000 et annuellement depuis 2017 par l’Office fédéral de la statistique permettent d’avoir une vision générale de l’évolution de la propriété immobilière des logements. Des recherches journalistiques récentes donnent un aperçu de la réalité de certains marchés locaux. Je pense notamment aux médias indépendants pur web www.bajour.ch ou www.reflekt.ch. Ceux-ci n’hésitent pas à développer des méthodes originales, ainsi à Bâle, où 7000 bénévoles ont été sollicités pour collecter les données. Longtemps, la majorité des logements locatifs a été détenue par des particuliers. En 2000, c’était encore le cas de 57,3% de ceux-ci. En 2020, le paysage a bien changé. Les particuliers n’en détiennent plus que 47,2%. Parallèlement, au cours de ces vingt ans, les banques, les assurances, les caisses de pensions et les fonds d’investissement ont accru massivement leur part du marché. Elle est passée de 23% à 33% du parc des logements locatifs. Cette augmentation fulgurante de leur part du marché s’explique par la ruée de ces investisseurs vers la construction ou l’acquisition des nouveaux immeubles locatifs. Ainsi, depuis 2000, plus de 53% des logements locatifs nouvellement construits sont propriété de ces acteurs exclusivement orientés vers le rendement. La main-mise des requins financiers sur l’immobilier s’accroit d’année en année. A Genève, en 2021, les investisseurs financiers et les sociétés de construction se sont adjugé 57,5% du parc immobilier ! Menée en 2021, la recherche bâloise «Wer gehört Basel?» (A qui appartient Bâle: ndlr) a permis de montrer que le marché immobilier de la ville de Bâle est dominé par deux banques (Credit Suisse et UBS), quatre assurances (Baloise, Zurich, Swiss Life et Helvetia) et la Caisse de pension du personnel de Bâle-Ville. Ces investisseurs possèdent une part de 29,7% du marché. Ce sont ces acteurs économiques qui procèdent aux résiliations de baux en masse afin de vider les immeubles, rénover et changer le standing des logements. Ils augmentent massivement les loyers en contournant le droit du bail. Au final, les loyers bâlois et le produit de leurs augmentations abusives filent à Zurich financer les dividendes versés aux actionnaires. A Zurich, au cours des 15 dernières années, la part du logement locatif propriété des sociétés, des caisses de pensions et des fonds de placement est passée de 22% à 28%. Sur les 25 000 nouveaux logements construits pendant cette période, 20 000 l’ont été par les sociétés commerciales. Cette mainmise explique l’augmentation particulièrement forte dans cette ville des loyers initiaux ou après rénovation. Le capital étranger adore l’immobilier suisse. Ainsi BlackRock. En 2010, ce géant de la finance possédait 100 millions de francs dans l’immobilier de notre pays. En 2020, il détient près de 2 milliards de francs, grâce à ses parts dans 17 sociétés. Les rendements filent à New York. Cela montre la nécessité d’accroître la transparence du marché, d’introduire des limitations au capital étranger sur l’immobilier et de protéger efficacement les locataires.

23 mars 2022
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