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Le nombre de logements vacants a plus que doublé en huit ans, mais les logements abordables restent denrée rare.
Début septembre, l’Office fédéral des statistiques (ci-après OFS) a publié les chiffres des logements vacants. A savoir les logements en propriété ou en location offerts sur le marché et dans l’attente d’un occupant. Ce sont globalement 64 893 logements qui sont actuellement vacants dans le pays. Le nombre de logements locatifs vacants (53 327) a plus que doublé entre 2009 et 2017. Cette abondance de logements s’explique de manière assez facile. D’une part, la construction de logements a été stimulée par la libre circulation des personnes. D’autre part, le reflux de la croissance migratoire n’a pas encore été intégré. Enfin, les taux très bas de la Banque nationale suisse amènent les investisseurs à placer dans l’immobilier, dont les rendements restent très intéressants.
Les chiffres de l’OFS ont déchaîné la presse. Elle s’est mise à marteler la fin de la pénurie car le taux de vacance national passait à 1,46%, soit presque 1,5%, taux considéré comme le point de sortie de la pénurie. C’est aller un peu vite en besogne.
Pénurie sévère dans certains cantons
Même les banques, dans leurs analyses périodiques du marché immobilier, précisent que la situation de pénurie reste de mise. Ainsi le Credit Suisse écrivait récemment: «En dépit du boom dans la construction, la pénurie dans les grands centres n’est pas réglée. Certes une certaine détente y est survenue à partir de 2014 (…). Néanmoins avec un taux de vacance de 0,38% au 1er juin 2017, les cinq grands centres de Suisse souffrent globalement d’une pénurie de logements.»1. Vu la population vivant dans les cinq plus grandes villes de Suisse, c’est déjà près d’un million de personnes qui sont soumises à une très sévère pénurie de logements.
Mais, en regardant de plus près les statistiques, on constate que la pénurie touche bien plus de personnes. En effet, selon l’OFS ce sont sept cantons2 qui cette année encore se retrouvent avec un taux de vacance en dessous de 1%, soit avec une forte pénurie. Or la population de ces cantons s’élève à 3,4 millions de personnes, pas moins de 40% de la population suisse. Une proportion socialement choquante mais qui n’émeut en rien le conseiller fédéral Johann Schneider-Ammann, chargé du logement.
Le fléchissement des loyers ne concerne que les loyers les plus chers
A ce stade, il faut le redire, il n’y a pas de données officielles sur le taux de vacance en fonction du type de logement ou du niveau du loyer. C’est clairement par choix politique que ces chiffres ne sont pas disponibles. Le mauvais traitement des couches populaires et de la classe moyenne en matière de logement n’apparaît pas au grand jour. Les analystes immobiliers reconnaissent cependant que, dans le segment des logements bon marché et des loyers abordables, la pénurie persistera encore longtemps et que le fléchissement des loyers, dont la presse s’émeut trop facilement à chaque chiffre publié, ne touche que les segments des loyers les plus chers. Pour les logements bon marché, la pression reste haussière. On en veut pour preuve le fait que, malgré la baisse des loyers des objets les plus chers offerts à la location3, l’Office cantonal de la statistique du canton de Genève4 (OCSTAT) met en évidence que depuis 2001 lors d’un changement de locataire, il y a en moyenne une augmentation de loyer de 10% ou plus. Cette augmentation du loyer initial touche évidemment les logements à loyer abordable. On mentionnera que, même si le marché devait temporairement se trouver globalement détendu avec au moins 1,5% de vacance partout, les loyers ne baisseraient pas forcément. Afin de maintenir la valeur des biens immobiliers
dans les bilans des caisses de pensions, des assurances, des fonds de placement, le loyer sera maintenu, mais des cadeaux seront faits. Ici un déménagement offert, là un garage gratuit pour une année, plus loin la gratuité du loyer pour trois ou six mois ou encore une voiture offerte. Le loyer resterait ainsi fixé au même niveau. Cela s’est déjà produit par le passé et commence à se produire par exemple en Valais (voir page 14). On est encore loin d’un prochain glissement de loyers chers et abusifs vers un niveau abordable.
Notre initiative reste pleinement d’actualité.
Carlo Sommaruga
Président de l'ASLOCA Suisse