Face à des attaques directes contre les maigres mécanismes de protection du locataire dans le droit du bail, l’ASLOCA doit lancer un double référendum !
Deux initiatives parlementaires déposées par des élus très proches des milieux immobiliers proposent des régressions dans le droit du bail. Admises par le Conseil national, il
y a peu d'espoir qu’elles soient refusées par le Conseil des Etats. Il convient donc de se mobiliser. Qu’est-ce qui est proposé? S’agissant des sous-locations dites «abusives», on nous
propose un projet de loi qui ne répond absolument pas à la problématique des plateformes comme Airbnb par exemple. Ce texte «résout» des problématiques en fait inexistantes. En effet, la réglementation prévue précise et durcit les règles de la sous-location de longue durée, mais pas du tout celle de courte durée.
Durcir la sous-location
Le projet prévoit de fixer des règles rigides comme celle qui autorise deux ans de sous-location au maximum, alors que la jurisprudence actuelle exprime l’idée qu’une sous-location
peut faire l’objet d’une résiliation si le locataire n’entend pas réintégrer son logement. Dans la proposition qui nous est faite, peu importe si le locataire est parti par exemple finir ses études pendant deux ans et un mois avant de vouloir réintégrer son logement: on met en place une règle rigide et inutile qui permet, après exactement deux ans, de résilier le bail.
A cela est ajouté un deuxième pan de réglementation tout aussi unilatéral en faveur du bailleur: on l’autorise à résilier le bail non seulement si le locataire a menti à son bailleur – règlement actuellement déjà existant – mais aussi si le locataire oublie simplement de demander le consentement écrit du bailleur quant à la sous-location. Ou alors, ce qui est un
cas beaucoup plus fréquent, s’il l’a demandé uniquement par oral. C’est inadmissible, surtout si l’on considère que la sous-location ne constitue pas un problème majeur en Suisse.
D’ailleurs, à propos de ce texte, le Conseil fédéral, qui est très favorable aux propriétaires, relève qu'une «intervention législative ne se justifie pas». Cela, notamment eu égard au fait que «porter atteinte à la liberté contractuelle au profit des bailleurs ne paraît pas non plus justifié compte tenu du contexte global du droit du bail; il convient d’épuiser d’abord les possibilités offertes par le droit existant», estime le gouvernement suisse.
Expulsions et résiliations
La deuxième proposition des parlementaires de la droite, quant à elle, vise à purement et simplement faciliter la résiliation et l’expulsion du locataire en cas de besoin propre du
bailleur. Dit autrement, aujourd’hui déjà le nouveau propriétaire qui a besoin de son logement pour un parent peut résilier le bail. Mais il existe une pesée des intérêts entre ceux du
bailleur et du locataire. Ainsi, les besoins du premier doivent véritablement être urgents pour que l’on prive le locataire de son droit à la prolongation maximale, qui est, rappelons-le,
de quatre ans au maximum.
Le besoin propre comme prétexte
Le projet propose de substituer ce besoin «urgent » par un besoin «important et actuel». Imaginons un appartement qui est habité depuis trente-cinq ans par un couple puis, après
le décès du mari, par une vieille dame. Actuellement, à moins qu’un nouveau propriétaire n’ait un besoin impérieux dudit logement pour un parent, la vielle dame est protégée. Avec le projet voté par le Conseil national, la personne âgée aura quelques mois de prolongation et puis ce sera la porte ou l’expulsion. Voilà la réalité de ce qui est proposé.
Double référendum
A ces attaques directes contre les maigres mécanismes de protection du locataire dans le droit du bail, une seule réponse doit s’imposer à l’ASLOCA: le double référendum! Car les mêmes milieux ont d’ores et déjà d’autres propositions. Elles sont pires encore. Et ne nous leurrons pas: la droite tente de faire régresser le droit du bail projet par projet, utilisant la technique dite du salami. Cela en espérant qu’une tranche ou l’autre finira par passer. Nous ne devons pas nous laisser berner. Il est nécessaire de nous battre fermement contre ces deux projets.
Baptiste Hurni
Conseiller national
ASLOCA Neuchatel