Loyer à diminuer ? Les excuses à deux francs

«Votre loyer est inférieur au loyer du marché»
C’est l’excuse la plus répandue. Et c’est aussi la plus efficace, car elle est culpabilisante pour le locataire. Chacun lit dans les journaux que les loyers augmentent comme par une sorte de fatalité. Et, trop souvent les locataires ne contestent pas l’augmentation du loyer au changement de locataire. Les régies tentent alors de dissuader le locataire de faire valoir ses droits en le faisant se sentir déjà «privilégié». Il appartient au bailleur qui utilise ce type d’objection de prouver le niveau des loyers du quartier. Si le locataire poursuit sa demande de diminution du loyer, en saisissant l’instance de conciliation, le bailleur devra apporter ces preuves à l’audience. Ce qu’il ne fait jamais!

«Votre loyer procure au bailleur un rendement insuffisant»
La régie prétend parfois que le loyer du locataire ne couvre pas les charges financières (intérêts hypothécaires) et les charges d’exploitation (entretien, conciergerie, ascenseur,
assurances, etc.). Elle peut aussi soutenir que, toutes charges couvertes, ce loyer ne permet pas au bailleur de tirer le bénéfice auquel il peut aspirer. Il faut tout d’abord préciser que le taux de rendement dépend du niveau du taux hypothécaire, de sorte que, si ce dernier est bas, le taux de rendement doit l’être aussi. Par ailleurs, si le locataire maintient sa demande d’une baisse dans le cadre d’une procédure, il appartiendra à la régie de démontrer par un calcul du rendement le bien-fondé de son refus. Or elle se gardera souvent de le faire pour
ne pas montrer au locataire à quel point… le loyer devrait en réalité être diminué encore plus!

«Pas de diminution du loyer car votre bail est un bail à loyer indexé»
Certains locataires ont un bail à loyer indexé, dont le loyer suit l’évolution de l’indice suisse des prix à la consommation. La diminution du taux hypothécaire ne joue alors aucun rôle pour „ fixer le loyer en cours de bail. Le locatairepeut quand même demander une baisse de son loyer en raison de la baisse du taux hypothécaire pour l’échéance de son contrat de bail. En outre, en cas de diminution de l’indice suisse des prix à la consommation, le loyer doit diminuer d’autant.

«La diminution de loyer à laquelle vous auriez droit, vu la baisse du taux d’intérêt de référence, est compensée par des frais de rénovation ou la hausse des charges d’exploitation»
Le locataire a certes droit à une diminution du loyer en raison de la baisse du taux d’intérêt de référence. Mais ce n’est pas la seule variable prise en compte pour „ xer les loyers. Si le bailleur peut légalement opposer qu’il a effectué des travaux apportant une amélioration à la chose louée, ou encore que ses charges d’exploitation ont augmenté, il lui appartiendra de le prouver. Ce que bien souvent il ne parviendra pas à faire. Les régies ont souvent recours à des forfaits selon lesquels, par exemple, chaque année les charges d’exploitation augmentent de 0,5%. Or de tels forfaits ne sont pas admis par les tribunaux!

«Le propriétaire a financé l’acquisition de l’immeuble entièrement en fonds propres»
On explique au locataire que son loyer est indépendant du taux hypothécaire, car le propriétaire n’a pas emprunté d’argent pour construire ou faire l’acquisition de l’immeuble. Une telle explication est séduisante, mais elle est complètement fausse. En effet, le droit du bail est basé sur un modèle théorique indépendant du degré d’endettement du propriétaire.

En conclusion: L’imagination des régies fait merveille pour tenter de convaincre les locataires qu’ils n’ont droit à aucune baisse de loyer. Si les arguments apparaissent convaincants à première vue, ils ne passent pas la rampe lorsqu’ils doivent être démontrés en justice par le bailleur. Les locataires ne doivent donc pas hésiter à demander des baisses de loyer. Compte tenu de la diversité des conditions contractuelles, chacun sera bien inspiré de se faire conseiller par sa section de l’ASLOCA. CQFD !

Pierre Stastny
Juriste répondant
ASLOCA Genève