Body
Dorénavant le Tribunal fédéral exige un formulaire officiel pour mettre fin à une souslocation autorisée.
En date du 9 septembre 2015, le Tribunal fédéral a rendu un important arrêt sur la souslocation, arrêt dans lequel il passe en revue les différents cas de figure, notamment en cas de congé donné pour souslocation (ATF 4A_290/2015).
Il faut d'abord rappeler que, selon la loi, le locataire a le droit de sous-louer tout ou partie de la chose louée avec le consentement du bailleur (art. 262 al. 1 CO). L'art. 8 du contrat cadre romand de baux d'habitations exige en plus que le consentement du bailleur soit donné par écrit. Si le consentement du bailleur a été demandé par le locataire et qu'il a été donné par écrit, il n'y a pas lieu de se poser d'autres questions et le congé n'est pas valable. Par contre, si le consentement du bailleur a été demandé mais que celuici a consenti oralement ou par acte concluant, la question de la forme se pose «et il y a encore lieu de rechercher si le bailleur commet un abus de droit en se prévalant de l'absence de forme écrite». Dans le cas jugé par le Tribunal fédéral le 9 septembre 2015, la locataire avait sous-loué depuis 2009 une chambre meublée de son appartement, avec accès aux parties communes (cuisine, salle de bains et salon). En 2011, la régie du bailleur a reproché à la locataire d'avoir sous-loué l'appartement sans autorisation et lui a demandé de réintégrer son appartement sous peine de résiliation du bail. La locataire a répondu qu'elle n'avait jamais quitté son appartement et qu'elle avait dûment informé le bailleur de la sous-location et des conditions de celle-ci. Le bailleur a donc décidé de résilier le contrat pour son échéance ordinaire. Le congé a été annulé par le Tribunal des baux et loyers, jugement confirmé par la Chambre des baux et loyers de la Cour de justice du canton de Genève. Le Tribunal fédéral a confirmé cette annulation de congé au motif que celui-ci était contraire aux règles de la bonne foi au sens de l'art. 271 CO. En cas de sous-location partielle, le Tribunal fédéral fait encore une distinction selon que le locataire principal utilise les locaux ou qu'il ne les utilise plus!
Encore dans les locaux
Si le locataire utilise encore les locaux et qu'il a obtenu le consentement du bailleur à une sous-location partielle, ce dernier ne peut pas résilier le bail au motif d'une souslocation non autorisée. Dès lors, dit le Tribunal fédéral, si le bailleur entend revenir sur son consentement, il doit «impérativement agir selon les règles de procédure de l'art. 269d CO», à savoir notifier au locataire un formulaire officiel de modification de bail en indiquant qu'il retire au locataire la possibilité de sous-louer.
En conséquence, si le bailleur n'a pas effectué la notification correspondante en utilisant la formule officielle, la résiliation du bail pour cause de sous-location contrevient aux règles de la bonne foi et doit être annulée. C'est ce qui s'est passé dans l'arrêt du 9 septembre 2015.
Plus dans les locaux
Si le locataire n'utilise plus les locaux mais qu'il avait obtenu le consentement du bailleur pour la sous-location, celui-ci peut se prévaloir de l'interdiction de l'abus de droit et résilier le bail du locataire.
On le voit, la situation est délicate, et un locataire ne devrait envisager de sous-louer son appartement, en tout cas totalement, qu'après s'être renseigné auprès de l'ASLOCA s'il remplit les conditions de la jurisprudence du Tribunal fédéral pour souslouer, afin d'éviter une résiliation de son propre bail.
Spécialité vaudoise
Les règles et usages locatifs du canton de Vaud (RULV) contiennent une disposition supplémentaire en matière de sous-location. En effet l'art. 22 prescrit que «le locataire ne peut pas sous-louer l'entier de la chose pour une durée indéterminée. Il est toutefois possible de déroger à ce principe moyennant l'accord écrit du bailleur». Les RULV sont obligatoires pour tous les contrats de bail d'habitation conclus dans le canton de Vaud. Dans ce canton il est donc permis de sous-louer l'entier de la chose pour une durée indéterminée, mais l'absence du locataire doit être temporaire, ce qui n'est pas la même chose. Par exemple, je suis envoyé par mon employeur à Zurich pour mettre sur pied une succursale, avec retour au siège par la suite: l'absence est temporaire vu le retour au siège mais pour une durée indéterminée puisque l'on ne sait pas exactement combien de temps cette mise en place de la succursale prendra.
Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, un locataire n'a le droit de sous-louer l'entier de l'appartement que s'il a «l'intention de réoccuper lui-même l'objet loué dans un laps de temps prévisible, intention qui doit résulter d'un besoin légitime et clairement perceptible». Le Tribunal fédéral a ajouté qu'il fallait être relativement restrictif en la matière «pour éviter que l'institution de la sous-location ne soit dénaturée et serve à éluder les conditions de transfert de bail».
Cela signifie que si le locataire ayant quitté l'objet sous-loué ne le regagne pas après l'écoulement de son temps d'absence temporaire légitime, la sous-location perd son caractère licite, même si elle avait été autorisée pour une durée indéterminée.
François Zutter, Avocat répondant, Asloca Genève