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Le Tribunal des baux désavoue une gérance qui avait mis en demeure des locataires et déposé une requête d’expulsion pour loyer impayé. La somme exigée était erronée. Locataire depuis plusieurs années, la famille X rencontre des difficultés financières et n’est plus en mesure de payer son loyer. La gérance lui fait alors parvenir un premier rappel. Les locataires n’ayant pas les moyens de s’acquitter du montant dû, la gérance leur adresse une mise en demeure. Elle porte sur un loyer arriéré et différents frais en relation avec le décompte de chauffage et de frais accessoires.

Premier passage devant le tribunal

Devant l’incapacité des locataires de payer le montant exigé, même dans le cadre de la mise en demeure, la gérance résilie le contrat de bail. La résiliation n’est pas contestée, et la gérance agit immédiatement en justice pour obtenir l’expulsion des locataires sur la base d’un «cas clair», en d’autres termes un cas non litigieux. Saisi, le président du Tribunal des baux instruit l’affaire. Les locataires lui font remarquer que la mise en demeure ne contient pas exactement le montant dû, celui allégué dans la procédure d’expulsion différant de celui réclamé dans la mise en demeure! Après vérification, le président du Tribunal des baux constate qu’effectivement la mise en demeure ne permet pas de déterminer avec certitude le montant dû et rejette l’expulsion pour «cas clair», mettant tous les frais à la charge de la gérance immobilière.

Deuxième round avec requête d’expulsion

Probablement contrariée, la gérance reprend l’affaire dès le début. Elle envoie une nouvelle mise en demeure, résilie de nouveau le bail et… dépose une requête d’expulsion. Le président du Tribunal des baux se penche sur cette nouvelle mise en demeure, ainsi que sur la résiliation et la procédure d’expulsion: il constate une nouvelle fois que la mise en demeure n’est pas «claire» et qu’elle ne permet surtout pas de déterminer le montant réclamé par la gérance! Rebelote, la requête est rejetée, les frais étant à nouveau mis à la charge de la gérance.

Troisième tentative et troisième rejet

Jamais deux sans trois, sur la base d’un nouveau décompte, la gérance tente d’expulser le locataire, toujours par l’intermédiaire d’un «cas clair», suite à une mise en demeure! De nouveau, pour les mêmes motifs, la requête est rejetée… De ce qui précède, on retiendra qu’une mise en demeure au sens de l’art. 257d CO doit respecter des règles particulièrement strictes pour être valable. En effet, lorsqu’il reçoit une mise en demeure, le locataire doit pouvoir déterminer de manière précise le montant exigé par le propriétaire, montant qui doit être échu. Au surplus, un délai de 30 jours au minimum pour les baux d’habitation doit être octroyé au locataire pour qu’il puisse s’acquitter de l’arriéré. Si tel n’est pas le cas, la mise en demeure est nulle et ne peut donc pas conduire à la résiliation du bail et encore moins à l’expulsion du locataire. Il est primordial donc que le locataire puisse connaître exactement la somme qui lui est réclamée et pour laquelle il a été mis en demeure.

De guerre lasse...

Dans le cadre d’une procédure d’expulsion pour «cas clair», le président du Tribunal des baux doit d’office contrôler la validité du congé et en particulier contrôler si la mise en demeure adressée au locataire respecte les conditions de l’art. 257d CO. Si les exigences légales ne sont pas remplies, comme dans l’exemple décrit ci-dessus, le président du Tribunal des baux rejettera la requête du propriétaire. Dans notre affaire, de guerre lasse, la gérance a abandonné l’idée d’expulser la famille X.

Sébastien Pedroli Avocat ASLOCA Fribourg

5 septembre 2017
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